- Glossaire -
Anti-européanisme

Opposition à l’Union européenne, ou plus généralement à une Europe unie. Les crises successives entraînent une banalisation de l’anti-européanisme et favorisent la montée du populisme et des propos simplistes. L’extrême droite se sert de cette banalisation pour encourager le repli sur soi et la préférence nationale.

Le discours d’extrême droite s’articule autour d’une idée fondamentale : l’idée de la frontière brouillée, l’angoisse de la séparation menacée, la crainte de la dissolution des repères. Parmi les frontières menacées, il y a d’abord la frontière qui sépare le « national » du « non national ». (…) Ce n’est pas l’Autre ou l’étranger qui est synonyme de désordre ou d’impureté dans les discours de l’extrême droite, mais la disparition des frontières entre le Français, le Belge et l’étranger ; entre la souveraineté et la société mondiale ; entre l’homme et la femme ; entre la vie et la mort ; entre les prérogatives de l’Homme et celles de Dieu.

(…) Depuis la fin des années 80 et la signature par les pays membres des différents traités qui instituent l’Union Européenne, il faut ajouter dans le discours d’extrême droite une nouvelle catégorie d’ennemi ; un ennemi qui est à la fois à l’extérieur et à l’intérieur de la nation : les bureaucrates apatrides et vagabonds qui contrôlent Bruxelles et qui cherchent à transformer le monde en un vaste marché sans peuples, sans âme, sans nations et sans cultures. En 20 ans – et plus particulièrement depuis ces dix dernières années – l’élite de Bruxelles a fait progressivement son apparition dans les discours de l’extrême droite. Elle est présentée comme étant à la fois partout et nulle part ; elle n’a pas d’attaches culturelles et nationales ; elle cherche à établir une société mondiale multiculturelle et métissée, livrée au marché et à la finance. À certains égards – et ce point est important – le bureaucrate apatride et cosmopolite représente aujourd’hui une menace plus grande que l’étranger dans certains discours d’extrême droite contemporains.

Ce changement est évidemment fondamental par rapport à ce que nous jugeons comme acceptable ou inacceptable en démocratie, notamment dans le cadre de la lutte contre l’extrême droite. Le rejet de l’Europe partagé par le populisme – dans son opposition traditionnelle aux élites – et par l’extrême droite – via l’émergence de cette nouvelle catégorie d’ennemi – entretient une confusion entre des discours populistes et des discours d’extrême droite opposés, depuis quelques années, à Bruxelles et à Maastricht. Avec l’effritement des souverainetés nationales, l’opposition au projet européen est devenue centrale : l’élite du discours populiste se confond avec l’élite des élus de Bruxelles qui incarnent désormais le nouvel ennemi dans le discours d’extrême droite. L’antiélitisme classique du populisme se mêle au nouvel ennemi de l’extrême droite.

(Intervention de Jérôme Jamin dans le cadre du colloque Extrême droite et populisme – Territoires de la Mémoire, 2008)