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Antisémitisme

L'antisémitisme désigne un sentiment de haine envers les Juifs en tant que peuple ou "race", supposée inférieure. Il peut prendre la forme de propos ou d'un comportement hostile, de discrimination (ghetto, expulsion), de racisme, de persécution. L'antisémitisme constitue une négation du droit à la différence (d'après le dictionnaire La Toupie).

L'antisémitisme est un phénomène qui peut être considéré comme relevant à la fois de la xénophobie et du racisme. En somme, il s'agit d'une forme particulière de xénophobie (attitude de rejet en raison de l'appartenance religieuse et que l'on pourrait qualifier de « judéophobie ») mais aussi d'une forme particulière de racisme, en raison des nombreuses tentatives depuis deux siècles de faire des Juifs un groupe racial à part entière. Les théories raciales du XIXe siècle ne se sont pas contentées de créer des subdivisions à partir de critères physiques particulièrement « visibles » (couleur de peau, forme du crâne, etc.). Elles se sont également appliquées à affiner ces subdivisions, notamment au sein de la supposée « race blanche ». « Le racisme ne s'est pas contenté de décréter la "supériorité" du blanc sur les groupes humains de couleur (...). Il a encore jugé bon d'établir des hiérarchies biologiques et psychiques au sein de la race blanche elle-même, tentant ainsi de justifier de nouvelles prérogatives de conquête, de domination et d'exploitation en faveur d'une caste plus exclusive encore. » (Juan Comas « Les mythes raciaux » in Le racisme devant la science, UNESCO, 1960, pp. 40-41).

Parce que l'époque, le XIXe siècle, était à l'explication du monde par la théorie scientifique des races, la haine et le rejet séculaires des Juifs en Europe changeaient de registre, passant de la religion à la science : l'antijudaïsme (haine religieuse) devenait antisémitisme (haine raciale). « Entre 1789 et 1815, les Juifs avaient été émancipés dans la plupart des pays occidentaux, et aspiraient désormais à devenir des citoyens semblables aux autres. (...) Or, à l'âge de la science, l'argument théologique de la malédiction n'était plus de mise pour réclamer le rétablissement des ghettos, et c'est ainsi que la caste "déicide" juive se transmuta, au lendemain de son émancipation, en race "inférieure" sémite. (...) Des sentiments et ressentiments indéracinables de l'Occident chrétien s'exprimèrent désormais en un nouveau vocabulaire. » (Léon Poliakov, Le mythe aryen. Essai sur les sources du racisme et des nationalismes, Calmann-Lévy, 1971, p. 195).

La haine avait donc changé de forme : de religieuse dans la plupart des cas, elle était devenue « scientifiquement » raciale. À l'opposition Juif / non Juif, vulgaire et spontanée, s'était substituée une dichotomie offrant aux yeux du monde scientifique toutes les garanties de la scientificité : Aryen / Sémite.

On sait aujourd'hui à quelle abomination cette haine aboutit. L'histoire de l'Allemagne nazie et le drame de la Shoah ont fortement contribué à associer antisémitisme et extrême droite. Cependant, l'antisémitisme n'est pas propre à l'extrême droite, de la même manière que l'extrême droite, dans son ensemble, n'est pas inéluctablement antisémite. Et si la dimension « raciale » de l'antisémitisme contemporain peut être considérée comme marginale, il n'en reste pas moins que la xénophobie à l'encontre des personnes juives reste un cas particulier et presqu'unique d'une xénophobie qui plonge profondément ses racines dans ces fameux « sentiments et ressentiments indéracinables de l'Occident chrétien ».