- Glossaire -
Populisme

Le populisme s'attaque aux élites qui détiendraient le pouvoir en les accusant de tous ce qui ne fonctionne pas bien dans notre vie en société. Les populistes veulent donc rendre tout le pouvoir au peuple et proposer des solutions faciles et directement applicables. Le populisme est sans doute l'une des caractéristique principale de l'extrême droite.

Il arrive que les mots, à l'imitation des prix, soient entraînés dans des spirales inflationnistes. Sur-employés, ils ont une regrettable tendance à se vider de leur sens et, comme essoufflés par un usage débridé, finissent par ne plus être porteurs de la moindre signification. Celui de « populisme » est sur la bonne voie pour connaître ce funeste sort. Au sortir des années 1980, émergeant dans le champ médiatico-politique, il avait petit à petit délogé son aîné « poujadisme » qui avait lui-même détrôné le terme « boulangisme », resté connu de nos jours des seuls historiens et amateurs de l'histoire de France. Depuis, il s'applique à un concept fourre-tout, véritable auberge espagnole du langage idéologique en mal de précision, mais très souvent avec une intention polémique affirmée : mettre au pilori un adversaire et disqualifier sans appel son discours. L'énoncé verbal fonctionne ainsi comme un acte tout en gratifiant son auteur d'un label démocratique obtenu, on en conviendra, à bon marché.

Précédé de l'adjectif « national », par contre, le vocable « populisme » se couvre d'un sens nettement plus explicite. Il désigne une série de partis, aujourd'hui implantés dans bon nombre de pays du Vieux Continent, qui remettent en cause la représentativité démocratique, diabolisent l'immigration et rejettent pour la plupart, sur des bases nationalistes, toute construction européenne. Incarnés par une personnalité charismatique fonctionnant comme catalyseur, ils en appellent sans cesse au peuple – conçu comme unité organique et mythique – et contestent l'establishment dans des propos démagogiques à l'emporte-pièce. La formule-choc « tous pourris » est la version familière de ce rejet polymorphe.

Sommes-nous là en présence d'une résurgence de l'extrême droite ? La question fait débat. Les actuelles formations nationales-populistes d'Europe de l'Ouest et de l'Est participent aux élections (mais Hitler a joué le jeu aussi...) et paraissent donc, jusqu'à nouvel ordre, offrir des garanties démocratiques suffisantes. Elles sont certes antisystème, comme l'étaient le fascisme et le nazisme et le restent leurs épigones, mais, n'ayant pas de programme révolutionnaire à proprement parler, elles le sont moins qu'eux. Même si la frontière n'est pas nette entre ces deux mouvances, on ne peut nier que les thématiques développées de part et d'autres sont proches, parfois très proches : nationalisme, xénophobie ou racisme, antiparlementarisme, lutte contre les idées d'égalité et de pluralité culturelle, etc. Raison pour laquelle il convient de les tenir à l'œil car elles sont le symptôme d'un mal-être social qui, à terme, pourrait devenir dangereusement liberticide.

Pour combattre un ennemi, il faut d'abord le connaître, si l'on veut du moins éviter un clash qui serait fatal. Dans cette perspective, il serait urgent aussi que les mandataires et technocrates, acteurs du pouvoir perçus comme une caste de privilégiés, se (re-)mettent beaucoup plus à l'écoute des préoccupations quotidiennes des gens. Et se souviennent que, sous l'enveloppe lexicale de « populisme », substantif trop souvent galvaudé, se love le bel étymon de « peuple ».

(Henri Deleersnijder, « Mots » in Aide-mémoire, n°36, avril-juin 2006)